L’apnée du sommeil chez la femme : un trouble sous-estimé !

« La prévalence [fréquence] et la sévérité des apnées du sommeil semblent inférieurs chez la femme mais ses conséquences sont similaires, voire plus importantes », Dr Christian Guilleminault

Explications du Dr Fabrice Thoin, cardiologue, spécialiste du sommeil

 

Quelle est la fréquence de l’apnée du sommeil chez la femme ?

Dr F.T. : Les études menées montrent qu’environ 50% des hommes de plus de 40 ans seraient concernés par l’apnée du sommeil. Chez la femme, ce taux est évalué, avant la ménopause, à 3,6 %.

Cependant, en raison de la particularité des signes d’alerte et d’un diagnostic souvent compliqué à établir, l’apnée du sommeil est un trouble amplement sous-estimé et sous-détecté chez la femme.

 

Quelles sont les particularités de ce syndrome chez la femme ?

Tout d’abord, il existe plusieurs signes d’alerte qui peuvent évoquer un trouble d’apnée du sommeil :

  • La dépression, souvent associée à une angoisse importante, voire à un burnout. Je prends souvent comme exemple le tableau représentant le cri de Munch qui me paraît très évocateur (ci-dessous).
Le Cri, Munch
  • Des douleurs thoraciques au repos, intenses et qui peuvent réapparaître. Elles peuvent se manifester sans pour autant que les examens habituels menés en cardiologie ne détectent d’anomalies. Cela s’explique par des anomalies fonctionnelles des artères. En effet, en cas d’apnée du sommeil, les artères tendent à se contracter au lieu de se dilater et font ainsi le lit de l’artériosclérose (maladie évolutive qui touche les artères). Avec l’accumulation de dépôts de graisse dans leurs parois, les artères se rétrécissent, gênant le passage normal du sang, et donc de l’oxygène, vers les organes qu’elles irriguent. Cette maladie favorise l’apparition de troubles cardiaques tels que les AVC ou infarctus.
  • Des palpitations intenses et des malaises récurrents, voire des syncopes.
  • Enfin, les femmes ont tendance à ronfler de façon beaucoup plus discrète que les hommes, et ceux-ci sont le plus souvent incapables de détecter les apnées durant le sommeil de leur partenaire, notamment les reprises de leur respiration.

Par ailleurs, les examens habituels de détection de l’apnée du sommeil sont bien souvent pris à défaut car insuffisants pour établir un diagnostic d’apnée du sommeil chez la femme. Recourir à la polysomnographie, examen enregistrant les micro-éveils, avec un électroencéphalogramme (examen qui permet de mesurer l’activité électrique du cerveau), est souvent essentiel pour poser le diagnostic et mettre en place une prise en charge adaptée au patient.

 

Il y a-t-il des périodes plus « à risques » que d’autres durant lesquelles l’apnée du sommeil est susceptible d’apparaître ? Pourquoi ?

Les symptômes précédemment cités peuvent survenir à n’importe quel âge et apparaître dès la puberté. Néanmoins, il existe deux phases importantes nécessitant une vigilance toute particulière chez la femme, la grossesse et la ménopause. Cela s’explique en partie par le bouleversement hormonal qui se produit lors de ces deux périodes et dont les conséquences sur l’organisme féminin impactent directement le sommeil. La possibilité de voir apparaître un syndrome d’apnées du sommeil à ces occasions est multipliée par trois ou quatre.

L’une des hormones en cause, l’œstrogène, est connue pour son rôle de stimulation des muscles qui vont dilater (agrandir) le pharynx permettant ainsi le bon passage de l’air. En temps normal, son action a un rôle « protecteur » contre le risque d’apnée du sommeil.

 

Pendant une grossesse 

Les études considèrent que 25% des femmes enceintes seraient concernées par l’apnée du sommeil.

Durant cette période, certaines hormones sont sécrétées en quantités beaucoup plus importantes, venant perturber leur action normale. On constate notamment un resserrement, causé par un œdème, des voies aériennes supérieures, bloquant le bon passage de l’air et favorisant les apnées du sommeil.

L’apnée du sommeil favorise par ailleurs l’apparition de diverses autres troubles chez la future maman comme la prééclampsie[1], une hypertension gravidique ou encore un diabète de grossesse (dit gestationnel)[2]. Chez le fœtus, cela peut provoquer un retard de croissance intra-utérin.

 

Lors de la ménopause

Lors de la ménopause, la production de certaines hormones est aussi impactée : celle de l’œstrogène baisse sensiblement et celle de la progestérone cesse complètement. Ces évolutions entrainent de profonds bouleversements physiologiques avec un impact non négligeable sur le sommeil.

Cette période est en effet souvent caractérisée par une moindre protection des muscles de la gorge (muscles oropharyngés), favorisant la survenue de troubles du sommeil et notamment, de façon très importante, celui d’apnée du sommeil.

 

Avez-vous un message à faire passer ?

Quel que soit l’âge, il parait indispensable de consulter un spécialiste du sommeil ou un centre du sommeil devant les signes habituels d’apnées du sommeil – à savoir des céphalées (maux de tête), une fatigue ou encore de la somnolence en journée. Les femmes ne doivent pas également hésiter à demander un avis médical face à la manifestation des signes précédemment cités.

En ce qui concerne les femmes enceintes, nous sommes confrontés à un vrai problème de santé publique. Un dépistage beaucoup plus précoce et beaucoup plus systématique est nécessaire afin d’éviter l’ensemble des anomalies pouvant les toucher, aussi bien elles que le fœtus.

Suivre des règles hygiéno-diététiques est aussi primordial pour prévenir ou limiter les conséquences de l’apnée du sommeil à moyen terme.

Enfin, renforcer la prévention et l’information auprès du public me parait essentiel. Apprendre à prendre soin de son sommeil est primordial.

 

[1] La prééclampsie est une maladie fréquente survenant pendant une grossesse. Elle est associée à une hypertension artérielle et à l’apparition de protéines dans les urines. Non traitée, elle peut entrainer de nombreuses complications avec des graves conséquences aussi bien pour la mère que pour l’enfant. En savoir plus : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/pre-eclampsie

[2] En savoir plus sur le diabète gestationnel : https://www.federationdesdiabetiques.org/information/diabete-gestationnel

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