Sommeil, apnée du sommeil et nutrition : quels liens ?

Questions à Adeline Collet, pharmacien nutritionniste et diététicienne au PEAS (Pôle d’Exploration des Apnées du Sommeil) de la Nouvelle Clinique Bel Air de Bordeaux et membre fondateur de l’association DNS (Diététique Nutrition Sommeil)**

1. Qu’entend-on par nutrition ?

Quelle bonne question ! Et je la compléterai par : « Quelle est la différence entre l’alimentation, la nutrition et la diététique » ?

L’alimentation est l’action de s’alimenter, c’est-à-dire se nourrir, procurer des aliments à notre organisme.

La nutrition est la science de l’alimentation étudiant l’ensemble des processus d’assimilation et de dégradation des aliments devenant des nutriments, une fois absorbés par l’organisme.

La diététique est la science permettant l’adaptation des régimes alimentaires aux besoins spécifiques des individus.

2. Quels sont les liens entre les troubles du sommeil et l’alimentation ?

En fait, c’est un cercle vicieux car les troubles du sommeil ont de multiples causes dont l’alimentation (mauvaises habitudes) et de nombreuses conséquences dont l’obésité.

Et pourtant, ce lien alimentation – troubles du sommeil est méconnu, puisque 77% des français ignorent que le manque de sommeil favorise la prise de poids !

En effet, de nombreuses études récentes démontrent :

  • le lien entre durée de sommeil trop courte (inférieure à 6H) et augmentation de l’IMC* (1)
  • la baisse significative du taux de masse grasse pour un même apport énergétique mais avec l’augmentation des durées de sommeil (2)
  • l’influence de la qualité du sommeil sur les comportements alimentaires et l’influence de l’alimentation sur la qualité du sommeil (3).

et préconisent l’évaluation du sommeil et/ou des apnées du sommeil chez les patients obèses (IMC* > 30) (1 et 2) ou l’évaluation de l’alimentation en cas de troubles du sommeil (1 et 4).

3. Quelles sont les conséquences d’un manque de sommeil sur notre métabolisme ?

Le sujet est vaste et je me limiterai aux conséquences d’un manque de sommeil sur la prise de poids.

La baisse de la durée de sommeil influe, dans ce cas précis, sur 2 types de facteurs :

  • Les facteurs hormonaux par l’augmentation de la sécrétion de la ghréline, hormone de l’appétit sécrétée quand le corps est en éveil, et aboutissant  à une augmentation de l’appétit et par la baisse de la durée de la sécrétion de la leptine, hormone de la satiété sécrétée durant le sommeil, impliquant donc une baisse de la satiété.
  • Des facteurs comportementaux par l’augmentation de la durée d’éveil aboutissant à une hausse du temps disponible pour manger et un accroissement de la fatigue, frein à l’activité physique mais également facteur incitateur au grignotage (vers des produits appétents : gras, et/ou sucrés).

4. Quels sont les liens entre apnées du sommeil et nutrition ?

Avant de vous exposer ces liens, il me semble important de rappeler ce que sont les apnées du sommeil. Le Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil, SAOS, correspond à des pauses respiratoires involontaires durant le sommeil liées à l’obstruction des voies aériennes supérieures bloquant le passage de l’air. Ce blocage s’explique par l’affaissement de la langue et des tissus mous de la gorge et entraîne une fragmentation du sommeil. Ces micro-réveils fréquents aboutissent à une mauvaise qualité et/ou une quantité insuffisante de sommeil.

On comprend donc aisément que le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque du SAOS en accentuant cette obstruction par l’accumulation du tissu adipeux au niveau du cou et de la paroi du pharynx.

Quant à l’alimentation, elle est également un facteur de risque, par la prise de poids bien sûr mais également par la consommation d’aliments «  à éviter » comme les excitants ou l’alcool, « faux-ami » d’un sommeil réparateur (cf 6).

Ainsi, la surcharge pondérale ou l’obésité sont un des principaux facteurs de risque du SAOS car la majorité des patients apnéiques sont en surpoids ou obèses. Cependant, les patients apnéiques en équilibre pondéral prouvent bien que le SAOS est pluri-factoriel !!

5. Quels sont les bénéfices d’une prise en charge nutritionnelle dans les apnées du sommeil ?

La prise en charge nutritionnelle des patients apnéiques en surpoids ou obésité est double : celle de perdre du poids voire de retrouver un équilibre pondéral par le ré-équilibrage de l’alimentation. Et celle d’optimiser le sommeil par la délivrance des recommandations sur « l’alimentation du sommeil ».

Les bénéfices de cette double prise en charge vont bien au-delà de la perte pondérale et de la diminution du facteur de risque du SAOS puisque qu’elle prévient également les maladies métaboliques et cardio-vasculaires.

Cependant, je précise que le suivi diététique n’est qu’un élément de prise en charge du SAOS, comme la ré-éducation kiné-linguale mais que le traitement de référence reste la PPC (Pression Positive Continue) ou l’OAM (Orthèse d’Avancée Mandibulaire).

6. Au quotidien, quels conseils recommanderiez-vous d’appliquer ?

Les recommandations générales sont assez évidentes :

  • Éviter les excitants comme le café, le thé, les sodas à base de cola, les boissons énergisantes après 16H et limiter leur consommation dans la journée car leur consommation excessive ou tardive provoque une instabilité du sommeil par retard d’endormissement et induction de réveils nocturnes
  • Éviter l’alcool le soir car son action sédative a beau favoriser l’endormissement par le relâchement du tonus musculaire, ce même relâchement favorise l’instabilité du sommeil et peut provoquer une « insomnie à rebond », accentuer les ronflements et/ou les apnées du sommeil.

Concernant le diner, il est conseillé de :

  • Diner 2 à 3H avant le coucher : pas trop tôt pour limiter les risques de réveil matinal par fringale mais pas trop tard pour éviter le risque de retard d’endormissement induit par l’augmentation de la température corporelle liée à la digestion.
  • Eviter un repas trop copieux, trop gras ou trop épicé : afin d’éviter une digestion difficile induisant un retard d’endormissement et une fragmentation du sommeil
  • D’optimiser sa composition par (pour un « adulte standard »):  
    • ½ portion d’aliments protidiques (viande maigre, poisson, œuf) soit 50g ou 1 œuf ou 2 tranches de jambon afin d’augmenter la concentration cérébrale de tryptophane et donc de favoriser la synthèse de la sérotonine, précurseur de la mélatonine et donc du sommeil (1)   
    • 1 portion d’aliments glucidiques riches en fibres (pâtes, riz complets ou légumes secs : lentilles, pois chiches ….) soit 100 à 150g pour les mêmes raisons (1 et 2)
    • 1 portion de légumes (150 à 200g) et 1 fruit pour l’apport en fibres, optimisant la rapidité de la phase d’endormissement et la durée de la phase du sommeil lent profond (4)
    • 1 laitage peu gras pour l’équilibre alimentaire et le contrôle de l’apport des acides gras saturés diminuant la durée de la phase de sommeil profond (4)
    • peu de sucres et/ou de pain blanc et féculents raffinés afin d’éviter les micro-réveils (4)

Je me permets de rappeler quelques recommandations générales non alimentaires :

> Éviter la consommation de tabac le soir car la nicotine retarde l’endormissement et favorise l’instabilité du sommeil

> Éviter la prise de somnifères, rendant le sommeil instable

> Avoir une activité physique dans la journée

> Avoir un rythme de coucher régulier et d’instaurer un « rituel de coucher » : lecture reposante, tisane en quantité limitée pour éviter les réveils nocturnes, passage aux toilettes, exercices de respiration … interprétés par le cerveau comme signaux de sommeil

> Régler la température de la chambre à 18°C et favoriser le calme et l’obscurité

> Éviter l’usage des écrans le soir

> Se coucher dès les premiers signaux du sommeil : bâillements, yeux qui piquent …

7. Avez-vous un message à faire passer ?

Oui, j’ai envie de vous dire que tous ces conseils correspondent simplement à un mode de vie sain autour d’une alimentation équilibrée. Et que la perte de poids par une prise en charge diététique avec un suivi régulier est un excellent moyen de limiter les troubles du sommeil, de prévenir de nombreuses pathologies et de « mieux-être » d’une façon générale. Bref, tout à y gagner !!

* : L’IMC correspond à l’Indice de Masse Corporelle = Poids / Taille2, indice permettant de quantifier un surpoids et/ou une obésité.

**DNS est une association loi 1901 créée par les 3 diététiciennes du PEAS : Nathalie Garcia, Lou Petitjean et moi-même, dont les objectifs sont d’exister comme structure référente « alimentation-sommeil », de créer un réseau de diététiciennes nutritionnistes spécialisées « sommeil » et de permettre l’accès à une formation spécifique « Nutrition et sommeil ».

Bibliographie :

1 : « Sommeil et nutrition » in les cahiers du sommeil de l’INSV, cahier n°9, 2015

2 : « Recommandations professionnelles sur le thème sommeil & obésité », in documents de FFP, AFERO, SFRMS (société française de recherche et médecine du sommeil), 2012

3 : « Sommeil et alimentation : le cercle vertueux », in Nutrition Impact, Janvier 2018

4 : « Le gras et le sucre en excès nuisent à nos nuits », in Le Figaro Santé, 2016 sur étude Dr Onge

Pour aller plus loin :

Témoignage : “N’hésitez pas à faire le nécessaire pour votre santé.”


One thought on “Sommeil, apnée du sommeil et nutrition : quels liens ?”

  1. Bonjour, Je reviens sur le point 1 de cet article plaisant à lire: sur la définition de la diététique:je propose de remplacer les mots ” des régimes alimentaires ” par ” de l’alimentation”.En effet le mot Régime porte en lui une connotation contraignante pas toujours atteignable. J’ajoute que je suis retraité et n’ai aucune compétence en alimentation et autre sujet tournant autour , sauf ma propre expérience.Je suis équipé d’un appareil contre les apnées depuis à peu près trois ans

    Merci et bonne journée.

    Axel Cauchois

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