Nouvelles technologies et apnées du sommeil : quels bénéfices ?

Télémédecine, applications mobiles, objets connectés etc. : ces nouveaux outils sont en plein déploiement dans le domaine de la santé. Mais connaissez-vous leurs apports dans la prise en charge de l’apnée du sommeil ? Dans cet univers complexe et en constante évolution, découvrez les perspectives positives qu’offrent les nouvelles technologies pour améliorer la prise en charge de l’apnée du sommeil. Nous vous donnons aussi ici des conseils, recommandations pour vous y retrouver, choisir les bons outils.

Questions posées au Dr Yves GRILLET, Vice-président et responsable sommeil de la Fédération Française de Pneumologie et au Dr Frédéric LE GUILLOU, pneumologue à la Rochelle

 

Le paysage de la santé connectée (1)

1. Qu’est-ce que la télémédecine ?

Dr YG : La télémédecine est « une pratique médicale à distance mobilisant des technologies de l’information et de la communication » (2). Elle implique obligatoirement un professionnel médical responsable de ses actes et décisions.

La télémédecine permet notamment d’établir un diagnostic, de demander un avis spécialisé ou encore d’effectuer une surveillance à distance de l’état de santé des personnes malades. (3) Concernant l’apnée du sommeil, il s’agit surtout de télé-suivi de l’efficacité du traitement.

Plus généralement, la télémédecine permet d’améliorer l’accessibilité à des soins mais aussi de réorganiser le système de santé dans le but d’améliorer la prise en charge des malades.

 

2. Quels sont les apports de la télémédecine dans la prise en charge de l’apnée du sommeil ?

Dr YG : La télémédecine ouvre des perspectives importantes dans le cadre de la prise en charge des maladies chroniques tel le trouble des apnées du sommeil. Elle permet d’améliorer la coordination des soins autour de la personne, entre les professionnels de santé et les différents acteurs impliqués dans la prise en charge, comme les fournisseurs de matériel à domicile (machines à PPC). Grâce au suivi d’indicateurs de santé (indice d’apnée hypopnée, pression, fuite etc.) et à un système d’alertes, elle permet aussi au médecin ou au technicien d’agir rapidement si besoin. Cela permet de prévenir d’éventuelles complications, de corriger des effets secondaires et de favoriser l’adhésion et la bonne adaptation de la personne à son traitement.

Enfin, et à mon avis surtout, la télémédecine fournit à la personne concernée les outils lui permettant d’être actrice de sa propre santé en favorisant l’acquisition de connaissances sur sa maladie et son traitement et en la rendant davantage autonome.

Toutefois, c’est important, ce télésuvi à distance ne dispense pas d’un suivi régulier chez son médecin, d’autant que rien ne saurait se substituer à cette relation humaine.

Il faut souligner aussi que la mise en place de la télésurveillance à distance n’est possible que parce que les machines à PPC sont des dispositifs médicaux dit « communicants », c’est-à-dire capables de recueillir des données et des informations techniques et médicales puis de les traiter et les transmettre à distance au médecin ou au technicien. La nouveauté est que ces données sont dorénavant accessibles au patient grâce à de nouveaux outils comme SomRespir.

 

3. Où en est-on dans le développement des programmes de télémédecine pour l’apnée du sommeil en France ?

Dr YG : Plusieurs projets sont en cours dans le domaine des apnées du sommeil.

Le carnet de suivi en ligne, SomRespir, permet au patient d’être acteur de sa prise en charge. Il lui donne la possibilité de consulter les données mémorisées dans son appareil de PPC, d’apporter ses propres données concernant les effets positifs et les effets secondaires de son traitement, de suivre et de comparer les données d’autres maladies chroniques dont il est éventuellement atteint (hypertension, hypercholestérolémie (4), diabète etc.), et de s’informer sur son traitement (les types d’appareillage etc.). SomRespir permet également au patient de faciliter ses échanges avec le prestataire et de préparer sa prochaine consultation avec le médecin prescripteur de sa machine à PPC. Très prochainement, ce carnet personnel pourra être crée gratuitement en ligne.

Plus largement, ADEL patient, est une plateforme de télésurveillance qui permet de coordonner tous les acteurs de la prise en charge de l’apnée du sommeil, patients (via SomRespir) professionnels de santé et prestataires de services à domiciles. Ce projet est lauréat dans le cadre du projet Pascaline (Parcours de santé coordonné et accès à l’innovation numérique) en Rhône Alpes, une des régions choisies par le premier ministre dans le cadre du programme Territoire de Soins Numérique (TSN).

Ces programmes répondent à des critères de sécurité et de fiabilité stricts et ont tous pour objectif d’améliorer la prise en charge des personnes concernées par l’apnée du sommeil, notamment en facilitant les connections entre la personne, les médecins et la société prestataire.

 

4. Le paysage de la santé connectée est bien plus vaste (voir schéma). Qu’entend-on par applications et objets connectés ?

Dr FLG : Les applications mobiles et les objets connectés occupent une place grandissante et inondent la vie quotidienne.

Une application mobile est un logiciel développé pour fonctionner sur un terminal mobile (un smartphone ou une tablette tactile) (5). Elle permet d’avoir un certain nombre d’indications de la vie courante, sur sa santé, son mode de vie.

Concernant les objets connectés, il n’existe pas de définition standardisée. Il est toutefois possible de dire qu’ils sont composés de capteurs qui envoient en continu ou en discontinu des informations vers une application mobile ou un service web en vue d’une analyse ou d’un traitement qui seront utiles à son utilisateur. Ce dernier aura la possibilité de comparer ses données avec d’autres utilisateurs. En résumé, c’est l’ajout d’une connexion Internet qui donne à des objets du quotidien (que ce soit une montre, une balance etc.) une valeur ajoutée quant à leur fonctionnalité, une capacité d’information et d’interaction possible avec l’environnement.

Si les premiers objets connectés sont apparus avec la naissance du télégraphe, leur médicalisation avec une revendication de bénéfice sanitaire est, elle, bien plus récente. Cependant, dans le domaine de la santé, les applications mobiles et objets connectés sont davantage tournés vers le bien-être. On peut donner plusieurs exemples :

– Le bracelet connecté qui enregistre, par exemple lors d’un footing, la fréquence cardiaque, le nombre de pas, la vitesse, le parcours réalisé, etc.

– On connait aussi la balance connectée qui permet de contrôler son poids et son évolution. Il y a derrière l’usage de ces objets un enjeu de motivation et de coaching qui permet aux personnes d’améliorer leur état et performance.

 

5. Quels sont leurs apports dans la prise en charge de l’apnée du sommeil ?

Dr FLG : Ces dispositifs sont des aides pour la prise en charge des maladies chroniques telle l’apnée du sommeil. Dans le sommeil, il existe tout d’abord des applications qui ont un rôle de repérage, de prévention des troubles grâce à un enregistrement et une analyse du sommeil de l’utilisateur. Les ronflements et pauses respiratoires enregistrés peuvent indiquer d’éventuelles apnées du sommeil et donc inciter à consulter un médecin afin de faire un contrôle (6).

De plus, dans la prise en charge de l’apnée du sommeil, avoir une bonne hygiène de vie est essentiel. Sur ce point, la technologie des capteurs permet un accompagnement personnalisé dans l’alimentation, l’arrêt du tabac etc. L’utilisation de podomètres peut être aussi utile pour autoévaluer son activité physique quotidienne (7).

Parallèlement, pour les personnes qui font de l’hypertension artérielle, il est possible d’utiliser un tensiomètre pour réaliser des mesures régulières de celle-ci à domicile.

Ces outils proposent un coaching quasi quotidien et complémentaire au traitement prescrit par le médecin.

 

6. En pratique, comment utiliser quoi ? Comment savoir si un objet/une application est fiable ?

Dr FLG : Il est important de souligner qu’une application mobile ou un objet connecté constitue un intérêt que s’il apporte un « plus » à la prise en charge des soins de la personne. Il ne s’agit pas de gadgets.

De plus il est indispensable, avant toute utilisation, de s’interroger sur plusieurs points.

Le premier est de s’assurer de la fiabilité technique et médicale du dispositif. Attention les objets connectés ou applications ne sont pas systématiquement reconnus comme des dispositifs médicaux, c’est-à-dire des instruments, appareils, équipements ou encore logiciels dont l’effet bénéfique sur le diagnostic, la prévention, le contrôle, le traitement, l’atténuation d’une maladie ou d’une blessure a été validé par une autorité compétente (8). Aujourd’hui la grande majorité de ces outils n’ont fait l’objet d’aucune validation clinique. Seuls ceux intégrés à des organisations de soins structurées auront un réel bénéfice sanitaire.

Ainsi s’il est utile à bien des égards d’utiliser un objet connecté ou une application, il est fortement recommandé du point de vue médical, de maintenir son traitement avec le dispositif médical prescrit par le médecin (l’orthèse d’avancée mandibulaire ou la machine à PPC) et d’assurer un suivi médical régulier. C’est la combinaison de ces leviers qui permettra d’améliorer les apnées du sommeil et ainsi de retrouver un sommeil de qualité.

Le deuxième point de vigilance concerne la gestion des données enregistrées et la protection des données personnelles de santé des utilisateurs. Où va la donnée ? A qui appartient-elle ? Quelle va être son utilisation ? S’il existe un encadrement juridique strict dans le domaine médical, cela n’est pas encore le cas dans le domaine du bien-être.

Avant utilisation, il est ainsi important de bien se renseigner et d’éventuellement demander conseil ou avis à son médecin ou à des associations.

 

7. Avez-vous un message à faire passer ?

Dr YG : On remarque que dans la prise en charge des maladies chroniques, on est passé d’une relation médecin/malade très directive vers une relation malade médecin davantage concertée, voire négociée, et donc bien adaptée à la prise en charge de l’apnée du sommeil.

Même s’il existe encore des craintes et des freins importants au développement de la télémédecine en France (à la fois financiers, juridiques, culturels etc.) des progrès considérables ont été fait, notamment pour les personnes concernées par l’apnée du sommeil. De plus, malades et pneumologues sont à la pointe du progrès en termes de télémédecine parce qu’ils ont décidé de travailler ensemble pour proposer des solutions qui conviennent à leurs propres besoins pour améliorer la qualité des soins.

Dr FLG : Pour conclure, on ne peut pas faire sans ces évolutions technologiques aujourd’hui. Autant le patient que le médecin doivent s’adapter à cette révolution numérique en marche, tout comme ils se sont adaptés aux précédentes innovations ! Ce sont des outils incontournables pour prévenir et soigner le risque santé à l’heure actuelle. Au-delà, l’innovation en santé doit aider à répondre à des enjeux de santé publique (celui de l’égal accès aux soins, le défi de l’obésité etc.).

Références

  1. Source : CNOM, Livre Blanc, Santé connecté : de la e-santé à la santé connectée, janvier 2015, page 9.
  2. On retrouve cette définition dans l’article 78 de la loi Hôpital Patients Santé et Territoires (HSPT) du 21 juillet 2009
  3. Pour en savoir plus : voir la lettre d’Alliance Apnées du Sommeil n°1 : les 5 actes de télémédecine.
  4. Terme médical utilisé lorsqu’une personne à un taux de cholestérol élevé, facteur de risque important de maladies du coeur et d’AVC.
  5. Définition : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.
  6. Exemple d’application validée par un protocole clinique : l’application I Sommeil. Pour en savoir plus : https://itunes.apple.com/fr/app/isommeil/id391947489?mt=8 6
  7. Exemple : l’application Pacer associe podomètre, gestion du poids et enregistrement de la tension artérielle.
  8. Définition de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

 

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