Apnée du sommeil : attention au volant !

Dr Kelly Guichard

Questions au Dr Kelly Guichard, Psychiatre à Bordeaux

Qu’est-ce que la somnolence ? 

La somnolence participe à la régulation d’un besoin indispensable au fonctionnement de notre organisme : le sommeil.

Il est important de différencier la somnolence de la fatigue :

  • La fatigue est définie par un épuisement progressif, en lien avec un effort, des performances cognitives (qui touchent à la mémoire, l’acquisition d’informations, la compréhension etc.) et physiques. Elle s’améliore après une mise au repos.
  • La somnolence est définie par un état subjectif et objectif d’éveil perturbé par une incapacité à se maintenir éveillé. Cet état s’améliore par le sommeil et non simplement le repos.

L’état de somnolence est normalement complètement réversible après une période de sommeil de durée et de qualité adéquates. Lorsqu’elle devient excessive, et qu’elle entraîne une modification dans la gestion habituelle du quotidien, un handicap ou une altération de qualité de vie, on parle d’hypersomnolence. Environ 4,7% de la population serait concerné par ce trouble (1).

Qu’est ce qui peut être à l’origine de la somnolence ?

La somnolence peut être entraînée par des comportements. La dette de sommeil est la cause la plus fréquente et apparaît lorsque l’on ne respecte pas ses besoins de sommeil ou par des maladies tels des troubles du sommeil – dont l’apnée du sommeil – ou des pathologies psychiatriques (les épisodes dépressifs par exemple). De façon plus rare, mais très sévère, la somnolence peut être provoquée par des pathologies neurologiques de l’éveil appelées les hypersomnies rares (narcolepsies).

Quels sont les risques liés à la somnolence ?

La somnolence, lorsqu’elle devient excessive, est associée à :

  • Une modification des performances cognitives (qui touchent à la mémoire, l’acquisition d’informations, la compréhension etc.) et motrices,
  • A un risque accidentel, pour soi et pour autrui
  • Et à une diminution de la qualité de vie [2].

Premier facteur devant l’alcool et les excès de vitesse, la responsabilité de la somnolence au volant est de plus en plus connue comme cause d’accidents sur la voie publique. 1/3 des accidents mortels sur autoroutes sont liés à la somnolence au volant.

Une des premières études, réalisée par le Pr Philip sur un grand nombre de conducteurs abonnés au télépéage, a montré que les conducteurs ayant expérimenté des épisodes de somnolence au volant sévères (nécessitant de s’arrêter), ont un risque d’accident de la route 9,5 fois plus important que les autres ![3]

Les personnes souffrant d’apnée du sommeil sont-elles plus à risque ? Quel est l’impact du traitement sur le risque de somnolence ?

L’hypersomnolence peut être un signe devant faire penser à l’apnée du sommeil. Celle-ci serait causée par une fragmentation du sommeil et donc un sommeil non-récupérateur. Dès lors par ce biais l’apnée du sommeil peut augmenter le risque d’avoir un accident de la route.

Une récente étude révèle que les conducteurs souffrant d’apnées du sommeil, présentent 2 fois plus de risque d’accident que les conducteurs sans apnées du sommeil. Toutefois, ce risque disparaît lorsque les personnes sont correctement traitées.[4]

Que faire chez les conducteurs professionnels ? Existe-t-il des contrôles ?

Pour les conducteurs professionnels (chauffeurs routiers, conducteurs de cars, d’engins, taxis…), la visite par la médecine du travail est le bon endroit pour parler et évaluer le risque de somnolence. Si la somnolence constatée est liée à un trouble du sommeil, le médecin du travail orientera la personne vers un centre du sommeil pour réaliser un diagnostic approfondi et évaluer sa capacité de maintien d’éveil.

Toute personne atteinte d’un trouble du sommeil responsable d’une hypersomnolence a l’obligation de faire une déclaration à la commission des permis de conduire qui aura pour mission d’évaluer la capacité médicale à conduire. Pour cela il convient de faire appel à un médecin de sa ville de résidence qui soit agréé par le préfet. Son rôle sera de statuer sur la capacité médicale de conduite. Plus d’informations : ICI

Pas de panique, l’objectif de la prise en charge va être de traiter la pathologie qui entraine l’hypersomnolence et donc de retrouver un bon niveau d’éveil et d’éliminer le risque d’accident. Il existe également des tests qui permettent d’attester des bonnes capacités de maintien d’éveil comme le test de maintien d’éveil (TME)[5]. Ces tests peuvent être réalisés dans les centres du sommeil, à l’hôpital ou dans une clinique en lien avec le médecin du sommeil ou le médecin agréé. 

En tant que patient, quelle démarche suivre en cas de doute ? Qui contacter ?

En cas de doute, parlez-en à votre médecin généraliste. Il pourra évaluer quelle peut être la cause de cette hypersomnolence et la prendre en charge. Si vous êtes conducteur professionnel, parlez-en à votre médecin du travail.

En tant que professionnel de santé, quelle conduite tenir face à un patient somnolent ?

En premier lieu il faut rechercher et explorer la cause et la traiter. Entre temps il est de notre devoir d’informer le patient des risques liés à la somnolence au volant, et tout particulièrement du risque accidentel.

Si le patient est atteint d’une pathologie du sommeil entrainant de l’hypersomnolence, c’est une cause de restriction d’aptitude à la conduite de véhicules groupe léger (type 1) ou lourd (type 2). Cela nécessite, comme indiqué précédemment, que le patient contacte un médecin agréé de la commission des permis de conduire (voir ci-dessus).

Un TME peut être demandé pour attester des bonnes capacités de maintien d’éveil, en particulier chez les chauffeurs professionnels.

Avez-vous un message à faire passer ?

Quelques règles de prévention de la somnolence au volant :

  • Évitez la dette de sommeil avant de prendre la route
  • Faites une pause toutes les 2h d’une durée de 15-20 minutes
  • Dès que vous ressentez des épisodes de somnolence (ou une forte envie de dormir), arrêtez-vous, faites une pause ou encore laissez le volant.
  • Evitez la période de nuit pour conduire si vous n’avez pas l’habitude et plus spécifiquement la période entre 2h et 5h du matin où la pression de sommeil est la plus forte et le risque accidentel très élevé.

[1] Ref : Operational Definitions and Algorithms for Excessive Sleepiness in the General Population Implications for DSM-5 Nosology Maurice M. Ohayon, MD, DSc, PhD; Yves Dauvilliers, MD, PhD; Charles F. Reynolds, MD

[2] Ref : Merlino G, Piani A, Gigli GL, Cancelli I, Rinaldi A, Baroselli A, et al. Daytime sleepiness is associated with dementia and cognitive decline in older Italian adults: A population-based study. Sleep Med. avr 2010;11(4):372‑7.

Philip P, Sagaspe P, Lagarde E, Leger D, Ohayon MM, Bioulac B, et al. Sleep disorders and accidental risk in a large group of regular registered highway drivers. Sleep Med. déc 2010;11(10):973‑9.)

[3] Ref : Sleep Med. 2010 Dec;11(10):973-9. doi: 10.1016/j.sleep.2010.07.010. Epub 2010 Oct 18. Sleep disorders and accidental risk in a large group of regular registered highway drivers. Philip P1, Sagaspe P, Lagarde E, Leger D, Ohayon MM, Bioulac B, Boussuge J, Taillard J.

[4] Ref : Sleep. 2017 Oct 1;40(10). doi: 10.1093/sleep/zsx134. Risk of Motor Vehicle Accidents Related to Sleepiness at the Wheel: A Systematic Review and Meta-Analysis. Bioulac S1,2,3, Micoulaud-Franchi JA1,2,3, Arnaud M4, Sagaspe P1,2, Moore N4,5,6, Salvo F4,5, Philip P1,2,3.

Tregear S, Reston J, Schoelles K, Phillips B. Obstructive sleep apnea and risk of motor vehicle crash: systematic review and meta-analysis. J Clin Sleep Med 2009;5:573–81. [29] Tregear S, Reston J, Schoelles K, Phillips B. Continuous positive airway pressure reduces risk of motor vehicle crash among drivers with obstructive sleep apnea: systematic review and meta-analysis. Sleep 2010;33:1373–80.

[5] Ref : Arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée, Version consolidée au 28 octobre 2019, NOR: EQUS0500620A, LegiFrance.

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